De l'"Unmikistan"

Publié le par Perrine

Bienvenue en « UNMIKISTAN »

L’impression première, et qui était restée, de mon passage à Pristina l’an dernier était bien celle-ci « si l’ONU avait une ville ce serait Pristina ». Locaux de l’ONU omniprésents, 4/4 estampillés UN partout (d’ailleurs on se demande bien l’utilité de ces voitures 8 places, laides, qui trimballent en général une ou deux personnes. Une idée ? Pourquoi pas une Smart UN, qui prendrait moins de place et surtout serait plus discrète. On se demande bien l’utilité d’être aussi voyant. A la limite ça se comprend pour l’affichage de la présence militaire, pour dire « faites gaffe on est toujours là et on veille, donc pas de débordements », et encore on sait où ça mène, mais pour les voitures civiles je cherche toujours l’intérêt). Bref, j’apprends cette année que beaucoup appellent le « pays » « Unmikstan » ou « Unmikistan ». Et pour cause. Le passeport des kosovars est parlant : UNMIK marqué en gros dessus, idem pour la carte d’identité, à défaut de « Kosovo », puisque ce n’est pas un Etat, donc c’est bien cela, on se croirait en République d’Unmikistan. Je n’imagine pas ce que peuvent ressentir les gens. Je lisais la dernière fois que les Kosovars étaient patients. C’est vrai ! 7 ans de tutelle internationale et on entrevoit (un tout petit peu) seulement le bout du tunnel. Sans compter les conditions de vie déplorables, motif de critiques pour certains qui s’interrogent sur l’efficacité d’une mission internationale, qui construit un aéroport mais n’est pas capable de mobiliser les moyens nécessaires pour remettre les centrales électriques en marche. (Au moment où j’écris cette phrase comme par hasard l’électricité est coupée. Et en fait j’ai pas de générateur, comme je l’avais cru au début : celui qui est en bas de chez moi appartient juste à la pizzeria…)

 

La police internationale surveille toujours le boulot des locaux. Je ne sais pas dans quelle mesure on peut généraliser, mais la dernière fois, alors que nous roulions dans la Jeep de l’ONG, qui a perdu sa plaque d’immatriculation (mais que l’on a remplacé par un numéro sur le pare-brise) et dont les phares et le pare-brise sont un peu cassés, un flic étasunien est descendu de sa voiture expliquer à la police kosovare qu’elle devait nous contrôler. L’arrogance était de mise, genre je t’explique ton boulot, et le contrôle inutile : la voiture roule et ça coûte trop cher de tout remplacer, l’ONG n’a pas assez d’argent, donc on va pas arrêter de bosser sous prétexte que la voiture part un peu en live.

Les nuits pristiniennes

Week-end plutôt réussi, à la mesure des objectifs fixés : ne rien faire ou presque, à part lire, mater des DVD, dormir et faire la fête… Où l’on apprend que les nuits pristiniennes n’ont rien à envier à nos chères nuits parisiennes (du moins que ça ira très bien pour 2 mois d’été), avec un côté Budapestois bien planqué, mais qui fait son petit effet (ah, les dancings en plein air, Marie j’espère que tu liras ceci et que tu accouras festoyer avec moi ici). Et en toute ambivalence, pour changer.

"Docteur UNMIK et Mister Maxi" : les soirées double face de Pristina

Vendredi, première partie de soirée dans une boîte calibrée « expat’ » : le « BBC », et ça marche : le parking est rempli des véhicules de l’ONU, une foule très hétéroclite parlant anglais s’y presse pour danser dans une atmosphère plutôt entraînante (cela dit, avais-je vraiment besoin d’être entraînée ?) et vraiment sympa. Toujours est-il que j’ai bien usé mes chaussures sur la piste, avec mes potes Serbes, Monténégrins, Croates, Kirghize, etc., de l’université d’été notamment.

 

 

 

Nous avons quitté le repère des UN et parcouru 200 m dans la même rue, jusqu’au « Maxi », où là c’est carrément la folie, mais dans un autre genre : que des jeunes de Pristina, très lookés, mais roots quand même, en plein air donc, avec tous les derniers tubes à fonds, pas forcément différents du BBC, et pas mal d’électro. Ma copine de Novi Sad (la ville du festival Exit en Serbie), Masa, était pote avec le barman (c’est toujours bien d’être pote avec le barman), et c’était cool…Cela dit les Serbes avaient la trouille de parler serbe car évidemment la majorité des fêtards en présence étaient Kosovar-Albanais et apparemment il y avait eu une agression contre un Serbe à cet endroit quelques semaines auparavant…Au passage, je précise que les jeunes Serbes de l’université d’été n’étaient pas logés avec les autres dans la Cité U, mais dans un hôtel avec gardes du corps…Cela contraste avec ce que moi je ressens de Pristina, où je trouve qu’il y a un parfum de liberté assez exaltant. Les jeunes Kosovars, qui ont connu la guerre, ont évidemment besoin de s’éclater désormais et de ne pas penser au lendemain, parce que franchement on ne sait pas de quoi il sera fait, d’où cette envie de fête, d’insouciance et de créativité.

Tout cela nous a mené jusqu’à 4h, et je n’étais pas fâchée de rentrer, parce que j’avais 4h de Jeep sous le soleil dans les pattes (A-R dans un village près de Prizren dans la journée pour des interviews de familles de victimes).

      Où il vaut mieux être Turc

pour savoir si le soleil brille à Belgrade

Samedi soir plus calme dans un bar, à discuter avec Masa, qui fait des études de com’ et un de ses potes journaliste (il couvre le foot) à Pristina. Lui est Albanais, elle de Serbie, ethniquement « mixée ». Intéressant de parler de leur « liberté » de mouvement (restreinte, cela va sans dire): très dur pour l’Albanais d’aller  à Belgrade (où sa sœur habite pourtant) et de passer par la partie nord de Mitrovica pour s’y rendre. Heureusement, grâce à son nom de famille, il peut passer pour Turc et s’en sort comme cela. Pour elle, ce sont des conversations surréalistes avec un ami, jeune militaire, Albanais de Pristina lui disant « je peux voir dans tes yeux que tu es Serbe ». Et les anecdotes de ce genre sont légion. Les jeunes comme eux qui ont envie de se rencontrer au-delà des appartenances nationales ne sont apparemment pas si nombreux. L’un de mes amis Serbe, Nenad, a ramené le drapeau Albanais pour le mettre dans son salon. Je lui ai dit que je doutais que tous ses amis apprécient. Il a non seulement acquiescé, mais a ajouté que certains de ses potes pourraient le brûler après quelques bières. Et dans les meilleurs cas, au milieu des bandes où tout le monde est pote, le sujet de l’appartenance nationale est quasi-systématiquement abordé, un peu dans le genre blague franco-belges. C’est le bon moment pour vous raconter un truc très significatif : la météo, qui donne les prévisions sur le Kosovo, l’Albanie, la Macédoine…mais jamais sur la Serbie (postulat de base : les Kosovars ne vont pas en Serbie…).

 

 

                       Infractions repetees au PINU

Samedi, fin de soirée au « Road 66 », avenue Bill Clinton  (un immense portrait de lui trône dans l’avenue », pour manger un énorme hamburger à 2000 calories au milieu des photos de James Dean…

 

 

Et dimanche soir à regarder l’orage en mangeant un Kebab sur mon balcon. Magnifique. J’ai une vue imprenable sur les buildings et les collines, aux premières loges pour voir les éclairs. Quant au kebab (pas les mêmes qu’en France…), j’ai découvert que ça coûtait moins de 2 euros et que c’était trop bon. Pas du tout dans les normes du PINU (programme intergalactique de nutrition universel, que l’on devrait tous respecter, avec 15 fruits et légumes par jour et un triangle de Toblerone par an à Noël), surtout quand on s’est tapé un hamburger la nuit d’avant… La résolution de cette semaine consiste à tenter de faire un effort pour m’intéresser davantage au vendeur de légumes en bas de chez moi…D’ailleurs il est très sympa, il rigole quand je lui demande 3 tomates (toutes les femmes du quartier les achètent par kg) et il m’offre des prunes quand je lui achète un œuf au détail.

Le tribunal des petits délires

Je continue à accompagner Samir au procès du général accusé de meurtre, à la Cour de Pristina, la semaine dernière et toute cette semaine. C’est la fin du procès et c’est toujours aussi lunaire.

Les chaussettes du procureur

A midi nous avons déjeuné par hasard dans le même burek-café que le procureur canadien, qui avait super envie de nous parler, du procès certes, mais aussi de son voyage à Paris (Montmartre et ses biftecks Chateaubriand (?), les cafés trop chers au Louvre…), des vacances de sa femme, pendant lesquelles il est obligé de faire la lessive et le repassage « I have no more underwear and socks, I must do something », où bizarrement l’apm, tu regardes d’un autre œil le plaidoyer brillant du type qui vient de te parler de ses chaussettes…Il n’était pas très à l’aise nous a-il expliqué car il doit lire un texte écrit en avance (pour les besoins de la traduction), ce qui ne laisse aucune place à l’improvisation ou à des modifications, ni à aucun effet de manche, dans la mesure où il s’arrête à chaque paragraphe pour qu’on puisse entendre la traduction albanaise. (Au passage, c’est très intéressant d’entendre les requêtes du procureur, quand je pense que je n’ai même jamais assisté à un procès en France).

 

 

 

 

L’avocate est excellente, on la dirait sortie de Dallas (rapport au brushing et a l eventail), mais elle et l’accusé filent un peu trop la théorie du complot contre ledit général. Elle accuse pendant des heures le procureur de détenir des preuves « secrètes », ce qui le met en rage. Aujourd’hui il a dit qu’il ne voulait « plus jamais entendre le mot « secret » dans l’enceinte de la cour. La dernière fois, elle l’a repris lors de la correction d’un compte-rendu d’audience, pendant laquelle il avait dit « ce tribunal est en train de devenir un zoo », sur le thème « vous insultez le peuple kosovar ». Ils ont répété au moins 20 fois le mot « zoo », tous, c’était en train de devenir assez bordélique, et j’ai bien cru que j’allais piquer un fou rire. Les juges, d’ordinaires plutôt apathiques, riaient sous cape cette fois, surtout le Pakistanais, qui m’adressait des regards complices. Toute le monde a bien du mal à se comprendre et c’est comme ça à chaque audience avec les traducteurs qui jonglent. Ce qui est un peu pathétique toutefois, c’est que ces juges et procureurs internationaux sont des pointures, et que face à eux, l’avocate sortie des années 70 ne fait pas le poids… Je ne pense pas que ça ait une influence réelle sur sa capacité à défendre efficacement son client, mais quand on assiste au procès, mieux vaut prendre du recul et en sourire comme d’un Molière que de le prendre au premier degré, car ça laisse assez pessimiste sur les capacités juridiques actuelles du pays.

J’ai d’ailleurs pu demander au procureur combien de temps les cours allaient rester « internationalisées ». Il m’a expliqué que pour cette affaire par exemple, il avait essayé de travailler avec un procureur albanais, mais qu’il craignait trop de traiter cette affaire (car l’accusé est un ancien de l’UCK, donc un Kosovar-Albanais, et que c’est dur d’accuser ses pairs). Idem pour les juges : il était prévu que la Cour soit composée de 3 juges dont 2 internationaux et un Kosovar. Or, ils ont dû faire face à 3 refus successifs de juges albanais après qu’ils aient lu le cas, ils ont donc renoncé et finalement constitué une cour entièrement internationale pour cette affaire. Le passage de témoin aux locaux est donc loin d’être assuré. Ce qui est encourageant ce sont les quelques étudiants de la fac de droit quoi viennent assister aux audiences. Pour le reste, le procureur confesse que la réforme du système judiciaire est plutôt un échec…

 

 

 

 

 

 

Publié dans perrinexpat

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