L'equation du week-end : Bus qui roule + the Economist amasse mousse de dynamisme emousse

Publié le par Perrine

Coucou,

Voici les nouvelles fraîches d’un week-end bien rempli, pendant lequel j’ai retrouvé mon dynamisme émoussé par une semaine de silence au bureau,

 

 

 

Un samedi d’expat : du Coca, des journaux d’intello, des barrières invisibles et un soupçon d’art

 

 

Ce qui consiste à acheter « The Economist », car, déception suprême, le Monde et Libé qui étaient disponibles au bar dataient de jeudi, autant dire de mercredi et je les avais déjà lus sur Internet, alors j’ai préféré prendre un journal frais, car malheureusement, un quotidien ne mûrit pas comme le bon vin, et le lire à la terrasse du café en buvant un Coca. Sans surprise, il n’y avait que des expat’ mais je n’ai pas repéré de Français (on se reconnaît grâce aux titres des journaux évidemment, mais les dates de parution périmées faussent complètement la donne), quoiqu’il en soit autour de moi c’était plutôt des mecs de 35-40 ans avec le Financial Times, donc je ne me suis pas fait de potes. Il y a un côté un peu pathétique à ce tableau « expat-à-journaux seuls en terrasse » (je m’inclus dans cette constatation) : on sent le besoin de se raccrocher à un radeau linguistique, à une terrasse rassurante, un peu coupée du reste de la ville, où même si l’on est seul, on est entre initiés et on sait ce qu’on vient chercher ici, dans un mélange d’attraction répulsion. Je trouve cette ambiance assez dérangeante et en même temps très confortable, d’ailleurs je la cherche régulièrement, avec le serveur qui t’aborde en anglais et les voisins de table qui  te font quand même un petit signe de tête. On ne se parle pas, mais on est entre nous. C’est comme quitter le Kosovo pour une heure. C’est horrible et en même temps ça fait du bien. Je ne sais pas si ce sentiment est partagé par mes confrères à journaux sérieux, mais en tout cas moi je le vis comme ça…

 

 

 

Enfin je ne culpabilise pas trop, car d’abord je suis lucide sur ce besoin de repères connus, ensuite ça n’est qu’une heure par semaine donc ça n’est pas dramatique et puis je faisais la même chose à Londres, et même au Burkina. Le journal, c’est le repère national par excellence que tu cherches quand tu es en manque de France, même quand c’est un bon vieux « The Economist » des familles, que pour rien au monde je ne relirai en France tellement ce canard m’a fait souffrir en hypokhâgne et aux affreux concours Science-Po, ca fait du bien, et cela réussit à me transporter à Paris, à Beaubourg même pour être précise.

 

 

 

Je suis ensuite repassée dans la dimension pristinienne, la vraie, et je suis allée à la galerie d’art contemporain, où j’étais seule et archi-seule, le gardien a allumé la lumière à mon arrivée et l’a éteinte derrière moi… Les œuvres étaient intéressantes, il y avait une exposition de peintres de Mitrovica (nb : il s’agit de la ville coupée par la rivière Ibar, où ont éclaté les émeutes de mars 2004. Elle est toujours sévèrement divisée entre la partie serbe et albanaise, par un pont gardé, et elle incarne le malaise interethnique kosovar). L’expo était réussie et très symbolique sur le thème « l’art n’a pas de frontière », car les artistes étaient issus des deux parties de la ville. J’ai gagné une invitation pour le prochain vernissage de la galerie le 31 août, de quoi rencontrer du gratin n’est-ce pas ?

 

 

 

« Lost »: pas la seule

 

 

Samedi soir suite à ma bonne résolution consistant à arrêter de regarder des films sur le génocide rwandais seule dans le noir le samedi car après je n’arrive plus à dormir tellement je rigole, j’ai regardé la série « Lost », soit une bande de 47 américains perdus sur une île déserte au milieu du Pacifique suite à un crash aérien. En plus, parmi les aventuriers perdus, il y a un couple de Coréens encore plus perdus car ils ne parlent pas anglais. La série est pas mal, suspense, aventure, histoire d’amour à l’eau de rose… Ca m’a passé l’envie de faire Koh-Lanta, car il faut tuer des ours pour survivre et tes camarades se noient en allant à la pêche aux écrevisses et ça m’a rassuré sur mon sort. Voilà, il y a pire que moi, il y a les Coréens sur leur île déserte sans vol retour, qui à mon avis ne vont pas faire l’économie d’apprendre l’anglais dare-dare dans les prochains épisodes s’ils veulent survivre. Il me reste encore plein d’épisodes à regarder, donc ça devrait m’occuper un certain temps.

 

 

 

Conférence européenne dans le bus pour la Macédoine :

 

 

 

Dimanche l’objectif était d’aller en Macédoine, à Skopje (Skujp), la capitale, mais j’ai loupé le bus de 9h (enfin, pas loupé, plutôt pas pris), car j’étais rentrée tard la veille de la soirée « feu de camps dans le pacifique avec mes nouveaux amis », donc j’ai pris le bus de 11h30. J’y ai rencontré un Espagnol, Catalan, et une Italienne de Turin, reconnaissables à leur Lonely Planet. On a discuté tous les trois pendant deux heures et c’était sympa. Le Catalan était d’accord avec moi sur le fait qu’étant née sous la bannière « liberté égalité fraternité », qui n’est certes pas un rempart contre les discrimination, mais un vœu pieu que l’on a tous en tête, il était normal que j’ai du mal à comprendre les « minorities issues » propres aux Balkans, ce qui était plus fastoche pour lui, en tant que Catalan, pour des raisons évidentes. L’Italienne, qui avait travaillé dans un camp de jeunes avec des enfants Serbes et Albanais, était un peu atterrée par certains aspects de son expérience, genre l’impossibilité parfois rencontrée de mélanger les enfants des deux « nationalités » au sein de la même équipe pour un jeu, ou encore l’interdiction de visiter un monastère orthodoxe, car l’ONG pour laquelle elle bossait travaillerait plus en faveur des Albanais que des Serbes (alors qu’elle bossait dans des camps multi-ethniques…).

 

 

 

 

Skopje au galop :

 

 

Arrivée à Skopje j’étais un peu déçue car j’ai appris que le dernier bus qui rentrait à Prishtina partait à 17h. J’étais hyper étonnée car je pensais pouvoir rentrer très tard, vu qu’il n’y a que deux heures de route, mais je n’avais pas trop le temps de chercher à comprendre. Donc là j’ai maugréé deux minutes sur ma « marmotte attitude », en me disant que ça n’aurait pas été du luxe de prendre le bus de 9h, malgré la fête dans le Pacifique, puis je l’ai troquée contre la « poney attitude » et je suis partie au galop dans la vieille ville en essayant de ne pas me tordre la cheville. Le Catalan est partie chercher un hôtel et l’Italienne attendait l’arrivée d’un pote de Slovénie. Je les ai donc laissés là.

 

 

 

 

Skopje c’est trop chouette. Déjà l’alphabet n’est pas le même (il faut pas le dire sinon tu fais péter les accords de paix d’Ohrid et c’est tres embêtant, mais cet alphabet ressemble au grec), donc ça dépayse carrément. La ville est aussi au milieu des collines, il y a une rivière, un peu basse en ce moment (je ne suis pas très au fait de la situation géopo en Macédoine, mais apparemment, il y a une partie albanaise musulmane et une macédonienne orthodoxe, pas trop potes et séparées par la rivière), les glaces sont très bonnes et il y en a partout. Je suis arrivée à l’heure de la sieste, soleil de plomb, chaleur dingue (46°d’après les manifestants, c’est-à-dire moi, 40°selon la police, c’est-à-dire la météo), il n’y avait personne dans la ville et j’avais la légère impression d’être dans un Lucky Luke, avec les Mexicains qui dorment sous leurs chapeaux pour seule activité. Mais c’était la situation idéale pour prendre un milliard de photos de cette mignonnette ville (et oui car j’ai désormais un appareil numérique, les photos seront en ligne tout à l’heure car un tri s’impose d’abord, et merci beaucoup au passage à mes parents pour le sponsoring !). Le vieux centre est très beau, architecture typique, avec des vieux qui jouent aux dominos sous les arbres, toutes les boutiques, petites voire minuscules échoppes traditionnelles, étaient fermées, mais j’ai traversé un marché superbe, animé, avec plein de marchands de légumes sous des portiques verts. J’ai même pu visiter une très belle mosquée, à l’invitation des hommes qui étaient devant, ce qui est rarissime (je n’ai toujours pas visité de mosquée à Prishtina), et prendre l’intérieur en photo. C’était marrant de voir mes petites pumas à l’entrée de la mosquée au milieu de toutes les sandales noires.

Je me suis aussi baladée dans les quartiers résidentiels, avec des couleurs, des odeurs de végétations et de nourriture très méditerranéennes (je crois qu’on peut dire ça, à défaut de « G…), puis à quelques mètres, au milieu des bâtiments administratifs gris et imposants en toute splendeur soviétique. Il y avait des deux-chevaux, des 4L, et des Yugo partout, des gamins qui se baignaient dans les fontaines.

 

 

 

Bref, j’ai bien rempli mon après-midi et j’ai fait une pause déjeuner avant de repartir à la gare. Il y avait des frites dans le kebab, ce qui était une bonne surprise, dans la série ces petits trucs auxquels on ne s’attend pas et qui font plaisir, et j’ai rencontré un Macédonien sympa, qui ne parlait pas anglais, ni français, mais quelques mots d’Allemand, pour avoir travaillé en Autriche (dont il s’était fait viré car il n’avait évidemment pas de visa). Au début c’était vraiment sympa de parler avec lui, après ça m’a saoulé, c’est le côté positif quand tu voyage seule, tu rencontres forcément des gens, la contrepartie, c’est que quand tu es une fille seule, ça peut vite être lourd. Donc il voulait me payer un café et qu’on discute, mais bon avec mon serbe qui n’est pas beaucoup plus évolué que « Dobro » et son allemand pas beaucoup plus dense que « kapputt » et « visa », on ne serait pas allés très loin et je voulais prendre mon bus. Il allait aussi à la gare routière donc nous sommes finalement partis dans cette direction. C’était pas un gros lourd, juste un petit relou qui voulait mon numéro de téléphone, donc ça allait.

 

 

 

Heureusement, sur la route j’ai rencontré deux jeunes français qui font le tour de la région (des parisiens qui traversent n’importe comment en disant « putain », ça ne s’invente pas et c’est comme ça que je les ai reconnu), on a discuté et ça a neutralisé mon ami relou. Les deux frenchy ne pensaient pas passer par Prishtina pendant leur voyage, mais je leur ai dit que c’était dommage de louper cette ville, surtout qu’ils allaient à Belgrade. Du coup ils viennent jeudi, ça me fera des camarades, c’est cool.

 

 

 

A la gare, j’ai un peu lutté pour prendre mon bus qui était le dernier, donc son statut était clair : immanquable ! J’ai quand même trouvé une vendeuse de billet pour me dire « non, il n’y a plus de bus pour Pristhina », à qui je dis « y’en a un et t’inquiètes pas que je vais le prendre cocotte » et des gens autour pour dire « oui c’est vrai y’en a pas », et qui juste se foutent de moi car ils n’en savent rien et que le bus était marqué sur le tableau d’affichage (!). Bref, évidemment il y avait un bus et j’ai réussi à le prendre (tout ça pour une liaison régulière, c’était pas de la tarte tatin, je vous le dis).

 

 

Trajet sans encombre avec sa frontière UNMIK et comme d’habitude les gens qui t’expliquent que la liberté de mouvement en Yougoslavie c’était autre chose, que leur passeport était le meilleur du monde à l’époque, qu’ils regrettent et qu’on fait marche arrière à se diviser en mini-Etats alors que nous, on construit l’UE sans frontière…

 

 

Epilogue :

 

Traversée des champs de tournesols, lumière de jour finissant (superbe évidemment), avons croisé des usines dont je me demande sincèrement si elles sont seulement vieilles ou bien désaffectées, les deux heures sont donc passees tres vite.

 

 

 

Dimanche soir, j’ai retrouvé mes nouveaux amis de l’île, bronzée par le soleil macédonien je suis sûre qu’ils étaient jaloux, en mangeant un melon labellisé PINU-rouge. J’étais contente, ravie de mon après-midi en Macédoine et très surprise d’y avoir trouvé autant de dépaysement, car malgré la proximité géographique, j’avais vraiment l’impression d’être allée à l’étranger, un peu loin de mon chez moi temporaire.

 

 

 

P.

Publié dans perrinexpat

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C
Coucou perrinou,<br /> j'ai raté ma lecture bloguesque ce matin because réveil difficile et speed donc je me rattrape au taf mais le coup des coréens de lost, ça m'a encore fait me plier en deux sur mon bureau. Je crois que mes collegues  commencent à me prendre pour une histérique (dès 9h du matin : facteur aggravant). Sans compter les films de genocides qui te font trop rigoler... Tu sais le matin, j'ai les zygomatiques sensibles, vas-y mollo !
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